4.2 out of 5.0 stars
La critique du club ciné
L’histoire de Souleymane
Dans une France de plus en plus divisée quant à la question de l’immigration, Boris Lojkine vient apporter une vision différente sur ce sujet avec L’histoire de Souleymane. En effet, la réalité de ce film est très différente de la réalité exposée à la télévision où l’on ne nous montre qu’une partie du quotidien des immigrés.
Ce film qui se veut humaniste nous plonge parfaitement bien dans le quotidien de Souleymane, interprété par un Abou Sangaré aussi sobre que touchant.
Centré sur Souleymane, un immigré Guinéen, ce film nous montre le long processus de demande d’asile et les moyens mis en œuvre pour obtenir une réponse favorable. Le réalisateur a voulu mettre en avant l’isolement des nouveaux venus sur le territoire français et la quête d’un espoir déchu. En effet, ceux-ci sont réunis dans des centres pour migrants où ils ont pour seuls contacts des personnes dans la même situation qu’eux. Ce point renforce l’interrogation sur le problème d’intégration des immigrés dans une société qui s’acharne à démontrer un problème d’immigration.
La réalisation du film nous plonge dans le quotidien de Souleymane, avec qui le spectateur partage aussi bien ses nombreuses désillusions que ses rares victoires.
Dans un long métrage sans musique, le spectateur est plongé dans la difficulté du long processus de demande d’asile. L’absence de bande son appuie le quotidien surchargé du jeune Guinéen qui n’a pas le temps pour le divertissement : la musique n’a à ce moment pas de place dans sa vie donc elle n’en a pas non plus dans la vie du spectateur.
La beauté de ce film est portée par la puissance dégagée par Abou Sangaré. Un jeu sobre, juste et chargé d’émotions. En témoigne la scène finale où il suffit au spectateur de se plonger dans le regard de Souleymane pour connaître son histoire.
Si ce film permet de comprendre beaucoup de choses sur un sujet écarté des médias, il est dommageable de ne pas avoir plus de matière sur les raisons politiques et sociales de l’exil de Souleymane. De la même manière, la traversée de nombreux pays de la Méditerranée et un emprisonnement en Libye, qui semble avoir bouleversé Souleymane, sont mentionnés sans être malheureusement approfondis. Notamment lorsque l’on apprend ses difficultés familiales et un amour qu’il a dû abandonner afin de poursuivre ses ambitions européennes. En effet, on apprend durant le film que sa relation avec Kadiatou, la femme qu’il aime restée en Guinée, sera sacrifiée au profit de son arrivée en France.
En résumé, l’histoire de Souleymane est un film puissant qui plonge le spectateur dans le difficile quotidien d’un immigré qui remet en question sa décision d’être venu en France. Le spectateur se rend compte, avec lui, que son arrivée en France est loin d’être l’aboutissement de son long voyage. L’absence d’informations liée à son passé tumultueux peut être un axe frustrant pour le spectateur mais Boris Lojkine y a peut-être vu un moyen de laisser place à notre imagination sur les souffrances passées de Souleymane.
